Docteur de l’Ecole des Mines de Paris et hydrologue, Emma Haziza est aussi une entrepreneure engagée pour la planète. Après avoir fondé il y a 10 ans un centre de recherche appliquée sur l'adaptation climatique et la résilience territoriale, elle se lance aujourd'hui dans une nouvelle aventure en co-fondant la start-up Mayane Labs qui vise à massifier l'adaptation à l'aide de modèles scientifiques basées sur la collecte de données ouvertes et l’intelligence artificielle.
Conférencière internationale, enseignante et experte-référente inondation, sécheresse et adaptation au changement climatique, Emma Haziza est régulièrement amenée à décrypter l'actualité sur l'ensemble des grands médias nationaux.
Pourquoi les entreprises ont un rôle majeur à jouer dans la transition environnementale et sociale ?
Les entreprises sont le cœur de l'économie des territoires, majoritairement fait d'hommes et de femmes courageux qui se lancent dans l'entreprenariat pour porter haut et fort leur projet bien souvent de vie. A tous les échelons, ce sont aussi ces entreprises qui se retrouvent directement exposées aux conséquences du changement climatique. À titre d'exemple, 40 % des entreprises mettent la clé sous la porte après une inondation. Les sécheresses répétées en France ou à travers le monde impactent tant notre capacité alimentaire qu'énergétique. L'épuisement des ressources pose la question du rebond possible des activités via de nouvelles innovations de procédés. Se préparer, se renforcer et s'adapter à ce qui est en train de se mettre en place sous nos yeux est essentiel pour construire un monde résilient à ce qui est déjà là : un réchauffement massif, aux conséquences déjà redoutables à venir, une chute brutale de la biodiversité et enfin, des problèmes tant qualitatifs que quantitatifs de ce sur quoi s'appuie notre économie : l'eau. Cette dernière représente un des grands enjeux majeurs aujourd'hui : notre assiette est composée d'au moins 3 500 litres d'eau par jour, tous les usages de la société passent par cette ressource. La prise en compte de cette empreinte eau peut être relevée par les entreprises.
Ces dernières portent en eux la capacité d'innover, de trouver de nouvelles solutions dès lors que les problématiques sont exposées. La crise du Covid a démontré cette agilité des PME à trouver des solutions face à cette crise d'ampleur. Elles sauront aussi trouver ce chemin du sens et de la cohérence dès lors que l'éveil sera là. Faut-il encore enclencher cette dynamique. Le grand défi vient éclairer ces acteurs si essentiels, ce maillon entre les politiques, les milieux et les populations.
Selon vous, quels sont les principaux freins à cette transition des entreprises vers une économie durable ?
Nous sommes actuellement dans une logique post-industrielle de croissance de l'ensemble des secteurs économiques. Fabriquer plus, séduire mieux, autant d'éléments qui conduisent à l'acte d'achat. Les principaux freins actuels sont dus au fait que toute la communication sur le climat est restée centrée sur les trajectoires potentielles d'évolution du réchauffement de l'atmosphère, des débats scientifiques essentiels pour comprendre ce qui nous attend mais sans donner de véritables solutions aux entreprises et aux populations sur l'adaptation qui va être nécessaire dès aujourd'hui : consommation d'eau, atteinte du milieu naturel, effet d'extinction d'espèces sur les chaînes trophiques qui in fine, nous concernent directement, gestion et stockage de nos déchets massifs. Autant de défis à relever. Toute société qui se crée aujourd'hui devrait comporter sa part de mission pour la planète, le milieu agricole lui-même devrait se transformer en une vaste entreprise à impact. Les enjeux sont là, les solutions aussi. Des initiatives telles que le Grand défi représentent ces actions nécessaires pour permettre la sensibilisation du milieu économique à cette problématique majeure, aux conséquences tangibles dans un système où nous sommes tous reliés et concernés.
Pourquoi avez-vous décidé de rejoindre la Comité éthique et scientifique ?
Parce que déjà relier la question éthique et scientifique au sein d'un même comité me semble essentiel. La science peut apporter des réponses mais parfois pose des degrés d'incertitudes pas toujours compris en dehors du cercle d'experts. Le fait même d'être scientifique intègre le fait de poser des hypothèses, des validations successives parfois suivies d'invalidations. Nous avons besoin que ce monde scientifique vienne au contact du monde économique. Je fais partie de ces deux mondes depuis maintenant 11 ans. J'espère pouvoir apporter cette vision pragmatique des besoins sur les territoires et faire ce pont entre ces deux mondes. Je suis convaincue que l'un a besoin de l'autre et vice-versa.
Pour vous, Le Grand Défi sera une réussite si….
Une prise de conscience majeure est initiée dans le monde économique,
Si cela conduit à des actions concrètes,
Si les liens que nous saurons créer nous amènent à innover et accompagner le monde dans son besoin de transition et d'adaptation.
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